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Titre : Discours philosophique sur les frayeurs de la mort / trad. de l'allemand de Adam Weishaupt
Auteur : Weishaupt, Adam (1748-1830).
Date d'édition : 1788
Titre original : Über die Schrecken des Todes, eine philosophische Rede
Droits : Public domain

DISCOURS PHILOSOPHIQUE

SUR LES

FRAYEURS DE LÀ MORT. TRADUIT DE 1/ALLEMAND, D E sr a

ADAM WEISHAUPT.

i

A HAMBOURG, Chez P. F. FAUCHE et Comp. Imprimeurs et Libraires

MDCCLXXXVIIÏ1

AVANT-PROPOS

<r

Du TRADUCTEUR.

T

1~ 'Auceur, actuellement Conseiller àulique du Duc de- Saxe.Gotha, dans les étais duquel il a trouvé un azile contre la persccunon. Ci-devanc professeur à l'université d'ingoiscadc en' Bavière passe pour être le chef et le fondateur de la société des illuminés en Baviére. C'est en cette qualité qu'il a été persécuté, poursuivi, banni et que sa tête a été mise à prix. Il a été calomnié et accusé, par une cabale acharnée à persécuter les amis de la vertu et de la vérité; intéressée aéiein* dre le flambeau de la raison, et à retenir les hommes sous le despotisme de l'ignorance. la plus nonieuse; d'avoir favorisé et prêché l'irréligion, l'athéisme, le régicide, l'assassinat, d'avoir répandu les principes les plus contraires aux bonnes mœurs d'avoir encouragé les peuples à se soulever contre leurs souverains, les enfans à secouer le joug de l'autorité paternelle, et d'avoir semé la discorde dans les familles. Plusieurs ouvrages sortis de sa plume, qui ne respirent que les sentimens

de la venu, de Fhomamcë et du stoïcisme. le plus pur, suffisent pour réfuter toutes ces calomnies~ et l'on peut juger par le discours, dont voici la traduction, et que des fanatiques ignorans ont prétendu iavoriser le suicide, combien l'on peut ajouter foi de pareilles accusations~

DISCOURS

= PHILOSOPHIQUE SU~ LES `

FRAYEURS DE LA MORT.

L-~niouré cTenfans bien nés et bien élevés, à côté. d'une épouse fidèle et chérie, doué de force et de .vigueur, affranchi de maux, pourvu de coûtes les nécessités de la vie, jouissant souvent même du superflu, estimé de ses amis, auxquels il cherche à se rendre utile, sans craindre .d'ennemis, parce qu'il n'offense personne; l'honnéie homme parcourt sa carrière terrestre avec un esprit tranquille et dégagé de soucis, cheminant dans les voyes de la vertu, qui lui assuré une bonne réputation et fait naître des fleurs sous ses pas. Il est convaincu que la nature. libérale n'a point misa la jouissance d'un état aussi heureux des conditions si déciles à remplir, qu'il ne puisse devenir le partage de tous, ou du moins, du plus grand nombre des hommes, s'ils vouloieni écouter davantage la voix de la raison, rénéchir avec plus dé sang froid, et se'hisser moins entrainer par les passions, et parrimaginafion. Instruit par la mison à bomer ses désirs, a ne rien souhaitter d'impossible,

possible, il seroit aisé à tout homme, de cempÏif de même sa. carrière avec aussi peu de soucis. Tous les 'ours de sa vie serôient marqués par le contentement et une félicité bien désirable seroit son parmge.

Mais, mécontens des joyes tranquilles, modérées et isolées de la vie privée; éblouis, trompés par Ie~ folies du monde, par Fécac et les plaisirs bruians. de ceux qui nous entourent; jaloux du bonheur des autres, remplis du désir de les surpasser insadablesd~ns la soif d~acquerir des biens passagers vains, enflés du sentimenc de notre propre force; ardens dans !a poursuite des grandeurs, et du pouvoir; notfe imagination se soulève pour écourdir et pour bannir la raison; elle nous substitue de fausses images; elle nous représence les choses impossibles comme crès aisées; elle.découme nocre attention des choses dont nous jouissons effectivemenc, pour la fixer sur celles qui nous manquent, et nous remplit, par cette comparaison, d'un dégoûc ec d'une aversion invincible, pour les biens accùels et permanens, quoique moins brillans. C'est de cette façon que la paix s'éloigne de nous; que le méconcencemenc, que les soucis ron- geurs se mettent à sa place. Nous formons des proiecs, nous faisons des pians, qui nous conduisent à des actions dont nous n'avons pas- prévû les suices; sans égard aux précendons desaucres, aussi bien ondées que les nôtres; sans égard aux oppositions, auxquelles nous devrions nous accendre;

er sans avoir calculé les forces nécessaires pour !es surmonter: les dimculcés innombrables qui les ac" compagnent, doivent nécessairement réveiller. en nous le sentiment de notre foiblesse exciter la ja" lousieec l'envie qui écouteront la bienveuillancena~- curelle. Nous aurons recours à la force et à la ruse tous les biens extérieurs perdront leurs aiiraits, et ne serviront qu'a aiguiser nos peines et nos tourmens. Le.nombre de nos ennemis s'augmentera, celui de nos amis décroîtra, en raison de la diminution de notre bienveuillance y et de l'accroissement de nos prétentions: l'intérêt seul sera la règle de notre conduite nous serons mécontens du monde entier, et enfin, dans une assiéte d'esprit aussi étrange,-cette terre destinée à notre félicité ~deviendra pour nous une vallée de misère. C'est ainsi que par notre folle conduite, nousempoisonnerons nous mêmes dans sa source laplus pure, le plaisir qui se trouve 'universellementrépandu, ci qui naît sous nos pas. C'est ainsi .que touc homme, par un amour de soi-même mal entendu et porté à l'excès, deviendra son propre, bourreau, l'arcisan de ses peines et de ses tour.mens. C'est ainsi qu'une imagination déréglée~ fbugeuse, et indomptable, éloigne de nous ces jours sereins, cecce vie heureuse, tranquille et patriarèhale, qui seroient infailliblement devenus le partage de celui qui se seroit laissé guider par la raison y qui auroit su retenir dans de justes bornes les essores de son imagination et de ses désira

La preuve la plus manifeste de h fbiblesse de" Boire esprit, et de notte déraison, c'est que devenus les artisans de nos propres maux, c'est hors de nous mêmes que nous cherchons cet enpemi de Boire repos. C'est donc à ton que nous accusons la providences C'est par une coupable interprétation des vues de la toute-puissance divine, que, semblables aux enfans mutins, nous murmurons contre l'arrangement de ce monde, que, pour nous disculper, pour masquefnos fautes, ce suivre sans empêchement nos penchans, nous prenons a tache d'impucer tout le mal à un être tout bon, touc rempli de sagesse. C'est nous, c'est nous seuls qui repoussons nialicieusemenc tous les biens qui nous sont offerts en si grande abondance, sans vouloir y toucher. C'est nous qui sommes nos plus grands, nos plus impiacaMes ennemis, en nous rendant le centre de tous les ênss, le but de~ la création ehëère. Nous exagérons nos prétenaons, nous voulons trop, Fimpossible même. Nous nous. laissons aveugler par le momenc présent; nous ne voulons pas envisager les saites éloignées; nous méprisons la voix de la raison; nous négligeons la culture de notre esprit; nous refusons de reconnaître Tordre et rarrangemenc quirègnent.dansles p}ans de l'être suprême, et nous iermons les yeux. sur Fehchainemenr général et merveilleux qui annoncera sagesse.. C'est ainsi, qu'en considérant tous ics objets, tous les événemens sous un faux point de vue, qu'en rapportant umQuemcac tout à nous mêmes, tout doit en

partant d'en principe aussi erroné, -nous paroître fautif, mal entendu, et contradictoire, c'est ainsi que nous devons nécessairement. prendre de Fauteur de cet univers, les idées les plus absurdes, les plus impar&ities, nous le représenter comme un être qui ne denunde que le malheur, la destruction de sa créature, ne prenant aucun plaisir à se faire aimer/mai~ voulant seulement être crainte comme le tyran le plus inflexible qui ne nous presritdes choses impossibles, que pour avoir occasion- de nous rejetter et de nous tourmenter, même chns' v~nir.

Avec de pareilles notions de la divinisé, de l'arrangement du monde, et de l'avenir, qui sont des suites nécessaires d'un amour propre porté l'excès il ne doit nullement paroître surprenant, si lè mécontentement et la misère dominent parmi les hommes. Ce n'est qu'en affbiblissani ou en enaçanc entièrement des notions aussi destructives de notre bonheur, que nous pourrons parvenir a-ramener la tranquillité et le contentement. Les moyens nous en sont donnés. Il ne sagit que de changer notre façon de penser; mais si nous refusons de les employer,, nos murmures sont sans. fondement, nos peines et nos souffrances. justement méntées~ et nos maux volontaires. C'est dans cette situation, que les soins du petit nombre de sages, qui s'étforcent de nous éclairer sur cette matière, que la philosophie même, doivent être regardés comme lè plus grand bienfait accordé aux hommes; c'est elle

qui répand la lumiéré sur les vrais, intérêts de. l'homme, qui prescrit à ses passions des bornes, au de-là desquelles commence l'empire des douleurs c'est elle qui nous enseigne à nous mettre en garde contre ces ennemis de notre repos, à mépriser leurs dangereuses amorces, et à leur accorder moins de pouvoir pour assujettir la raison; c'est par so:i secours que nous reconnoissbns la. bonté, la sagesse de Dieu; l'ordre, l'ehch.linement -et l'essence'de tout ce qui existe; c'est elle qui fait tomber le masque qui couvre le mal, et nous démontre que tout ce qui est l'effet d'une cause bonne et parthine en elle-même, ne- sauroit être que bon et parfait; que tout ce qui existe n'apour but que notre bien-être. C'est elle qui donne notre esprit une marche, des principes assurés, au moyen desquels il apperçoir dans les maux mêmes un fond inépuisable de biens. C'est ainsi qu'en dépouillant de sa laideur, tout ce qui nous came de Thorreur, qu'en nous mettant à la placed'ou nous pouyon? découvrir dans son vrai jour, l'ensemble de tous les êtres, elle multiplie les sources. du bonheur, soulage notre ame de ses angoisses et lui montre le chemin du repos, de la paix, et de la joie.

De toutes les illusions qui affectent !e plus cruellement notre imagination, les plus terribles sonc certainement LES FRAYEURS DE LA MORT. La philosopha de la plu-parc des hommes échoue 'devanc ce fantôme de nocre esprit. Toutes les grandeurs

de la terre s'abaissent devant lui, et le plus grand monarque voit s'approcher avec nn œi! rempli d'épouvanté le moment qui va le faire descendre de sa grandeur, la dissiper d'un souffle comme une boule de savon, pour transpercer l'homme nud, dépouille, dans une région inconnue, où il se perdra comme une goute d'eau dans l'immense océan, au milieu de cette foule inombrable d'êtres, qui l'auront précédé, à moins qu'il n'y soit accompagné d'actions qui lui frayent le chemin dans cette région des esprits car l'empire de la more ne distingue point les rois. Il le sait; il le sent, ec détourne avec horreur les yeux d'un ob!ec, donc le .souvenir dissipe le songe de ses grandeurs temporelles. L'homme attaqué de cette terreur, meure mille et mille fois, avec le désir insensé de ne jamais mourir. Sa vie entière n''esc qu'une mort continuelle; et toutes les douceurs en sont changées en amertume. Ses craintes ne font qu'accèlerer le moment qu'il voudroit reculer. Le repos ne sauroit séjourner un moment dans son ame. L'image eSrayance de. ce squelette hideux, accompagne tous ses pas, s'introduit-au milieu de tous ses plaisirs. Il croit l'entendre siffler dans Les airs, murmurer dans les ruisseaux, le voir à côté de ses trésors, s'attacher à ses pas, le suivre aux jeux et dans la danse, il croit même le sentir sur les lèvres de l'objet de ses amours. Tous les efforts que fait ~on ame pour participer aux plaisirs, ne sauroient enaçer la pensée de la mon. Ce~ souvenir les empoi-

sonne:

Un tel.homme sera pendant tout le cours de sa vie l'esclave le plus timide~Ie plus abject, incapa-ble d'aucune action héroïque. De tous ceux qui sesont abandonnés à la crainte de la more, en est-il qui ayeni vécu avec plus de contentement, dormi plus tranquillement, mieux joui de la vie, ou qui aient pu la prolonger ? en est-il à qui cette crainte aie-fait reculer l'époque de. ce sort inévitable? qu'elle" ait rendus plus fermes, plus intrépides? au contraire, toutes les grandes actions ont été 'produites par le mépris de la mort. Les grandes ames ont même adopté le principe, que la vie n'étoit qu'un bien passager, momentané, qui ne devoit point être considéré comme fin, mais comme moyen, pour jouir d'autant mieux et avec-plus de liberté de l'existence. Cet. attachement excessif à la vie, da jamais porté personne à arrêter les progreis des nammes, à secourir Finoccnce opprimée, combattre pour son dieu, ses amis, sa patrie, à défendre ses droits; à creuser desabimes., à fociUer les entrailles de la terre, parcourir les mers, .ec à découvrir de nouveaux continens. Il ne donne pas même assez d'énergie pour commettre de grands crimes, des forfaits attroces. Il avilit au dessous de labêtc: quoi que la nature bienfaisante ait soumise celle-ci au même son, elle l'a sagement privée de la faculté de prévoir sa destruction~ parce qu'elle ne pouvoicen même tems? îui. accorder la raison pour balancer et affoiblir cette impression désavantageuse. Elle cous auroit,~n vraie maëHr~

glaces au dessous des bêtes, si avec la raculté de prévoir la nécessité de notre dissolution elle ne L~ous eut donné, au moyen de la raison, celle d'éloigner des impressions aussi désagréables. Elle nous en. dédommage, en nous faisant appercevoir dans l'avenir, des objets d'une coûte autre nature une existence plus grande, plus heureuse, qu'elle devôit cacher à des êtres, qui dans l'enchainemene établi, se crpuvoiencplacés~a un degré au dessous d~ nous c'est pourquoi elle a mieux aimé priver les. bêtes du pressentiment de leur destinée, que de les exposer à des peines, contre lesquelles elle ne poùvoitJeur fournir de contre-poids, dans remplacement qui leur avoïc été assigné, sans les élever par le don de la raison à notre niveau, et par conséquent, sans occasionner par là, un vuide aussi inutile qu'impossible, dans la grande échelle des êtres.

Quoiqu'il soit démontré par cet exposé; combien peu la mon doit paroître étrange et enrayante aux yeux de l'homme sensé; combien plu-tôt même il doit en souhaitter l'approche; car quel est le mortel qui n'a:t souvent tourné ses regards vers l'azile du repos? il n'en est pas moins vrai, au contraire, que.ses frayeurs se sont emparées de la plupart de.~ hommes. C'est pourquoi la philosophie, tant ancienne que moderne, qui n'est. que la science du bonheur et de la félicité, bien convaincue qu'on ne sauroit atteindre,à cette félicité sans le mépris de la mort~ s'est appliquée ~ans ses écoles,

à ne nous faire envisager cette vie que comme un état de préparation à la mon:; à nous enseigner à nous avancer avec fermeté au devant d'elle; à ne point craindre ses regards, mais à nous familiariser pour ainsi dire, avec elle. Oui, personne ne sauroit prétendre avec quelque fondement au titre de vrai philosophe, a moins qu'il ne soie porté de coeur et d'âme, 'à payer avec joye et sans murmure, le tribut à la nature; à se trouver prêt et disposé à quittera chaque instant le séjour d'ici bas, pour passer doucement dans une région plus fortunée. C'est à la tranquillité de l'âme, au calme de l'esprit qu'on peut seul reconhoîcrc l'élève du vrai sage. Et toi qui aimes à te glorifier du. nom de chrétien de philosophe, sois assuré, qu'aussi longtems que m seras troublé par l'inquiétude, que tu sentiras l'aiguillon de i'envie, que. m trembleras à l'idée de la mort; aussi longcems que tu te livreras au chao~in, que m n'auras pas encore appris l'art de puiser des sujets de satisfaction de tous les évenemens de'Ia vie aussi longiems, dis-je, ta sagesse et ta félicité demeureront foibles et imparfaities. Il est encore beaucoup de ces âmes foibles. Et c'est à la honte de la raison, et de la pnilosophie que ceux qui en font profession, doivent encore apprendre à mépriser, ce que l'esprit le moins exercé, l'esclave le plus bas, le plus borné, endùrenc souvent avec la plus parfaitte indifférence, la plus grande fermeté. C'est par cette raison, que de tous les sujecs qui sont du ressort de la philosophie~

il n'y en a aucun qui demande être traitté avec plus de force et d'énergie, avec plus d'éloquence; afin de nous rendre fermes, inébranlables, semblables à l'image de Dieu d'hommes foibles et pusillanimes que nous sommes. C'est à h lumière de la philosophie que nous devons éclairer noire esprit; c'est elle qui nous fait découvrir la joye et la féliciré; c'est par son moyen que nous serons mis à même de pouvoir régler nos désirs de ne prétendre a quoi que ce soit de contraire aux volontés de l'être suprême; au but de la nature. EÛe prévindra les voeux indiscréts; élle ne nous permettra de sentir de nos peines que celles qui sont inséparables de notre nature, et qui n'existent que parce qu'elles sont une préparation, une gradation à des jouissances d'une toute autre nature, que nous avons encore à attendre; et parce qu'une vie entièrement dégagée de toute peine, séroit la vie II plus insipide et la plus dégoûtante, et par couséquenc une précension impossible à satisfaire. Pourquoi donc l'homme craint-il si fort la mort? d'où peuc lui venir ce penchant incompréhensible a troubler son repos, à devenir pour toujours son propre bourreau, et à perdre par là la jouissance du présent, bien loin de pouvoir espérer le moindre accroissement d'un bonheur qu'il poursuit inutilement? pourquoi prolonger et se nourrir, pour ainsi dire, d'un mal inévitable, momentané, et qui n'est pas même sensible? c'est en renonçant à la raison, €Q embrassant de fausses idées, des

fantômes; en nous abandonnant à une imagination trop active trop emportée, trop exaifée, que nous devenons les assassins de notre repos, de w notre bonheur.

Toi, qui as mené une vie qui &it honte à l'humanité, et que tu n'as consacrée qu'au tourment, à la perte de tes semblables! Toi, qui n'as employé qu'à l'oppression, le pouvoir qui t'avoic été donné pour faire le bien malheureux n'importe que ~u sois tourmenté, harcellé sans relâche' que la perte de cette vie, et les frayeurs de la mort t'écrasenc de leur poids insupportable! marches dans la vallée obscure de la more, que son ombre te poursuive et te tourmente incessamment! que les furies vengeresses, les cris des opprimés, le sang que m as fait verser te suivent en tout lieu, et que les peines d'Ixion, de Sisyphe et de Tantale, les frayeurs du Diable et de l'enfer, avec tout ce que le paganisme et le christianisme ont jamais inventé de plus terrible; n'importe, disje, que toutes les images qu'a emprunté l'esprit inventif destyrans de la terre, pour peindre. avec toute l'horreur possible le lieu de la vengeance destinée aux criminels, se retracent à chaque instant de la vie, à ton imagination, .pour t'empêcher de goûter aucun plaisir Les sophismes d'une réconciliation tardive et facile, avec l'être suprême, ne pourront te tranquilliser. Tous les trésors que tu as accumulés ne pourront te racheter de ~a peine qui t'attend; moi-même, je m'efforcerai d* échauffer encore davantage ton imagination, de mettre sous les

ycot un tabteau qui comprendm tout ce que T~ cacm~ renferme de plus épouvantable, et qui fera reculer ton âme d'horreur. Je te prouverai que, dans une pareille situation, un repentir forcé ec momentané, ne sauroic eBacer un demi siécle de crimes et d'injustices. Ce sera moi qui prolongerai ton erreur, qui agraverai avec toute l'éloquence dont je serai capable, le sujet qui cause tes allarmes. Scélérat'.ami de l'injustice! oppresseur de l'innocence' lorsque m trembles à l'idée de la mort, je trouve tes Payeurs naturelles et même nécessaires.

Mais toi, père respectable! époux fidèle ami de l'humanité' père et législateur de ton peuple! dont les jours se sont écoulés dans l'innocence, et dans l'exercice de la bienfaisance, qui as résisté ici bas avec fermeté au milieu de la tempête, a. toutes les attaques que t'ont livré les maux; plein del'éspétance~de ton Dieu, et te reposant sur le témoignage de ta conscience! Toi qui as combattu avec tant de courage, luté avec tant de constance contre les mjusdses les plus criantes; pourquoi trembles tu? que crains tu? qu'hésites tu à briser tes chàines, à t'en dépouiller, pour regagner une liberté que m conserveras éternellement? pourquoi appréhendes tu de recevoir la récompense qui t'est due, de devenir insensible à la douleur, de t'approcher de l'auteur de ton existence, de tenter le passage dans une autre vie, dont m as déjà encevùlesjoyes des celle-ci? pourquoi tardes m

échapper à tes persécuteurs ec a -te rerogier dans i'azile où tes oppresseurs ne pou!Tonc"ce joindre que pour y recevoir la peine qu'usine si longtems et si justement méritée. O! reveilles-toi, ranimes toi, reprends courage' Cette perspective doit'te fortifier, autant qu'elle doit décourager tpui sçéteiac, et remplir son ame d'angoisse et de teneur. C'est à lui seul à se bercer de vains sophismes, a désirer l'anéantissement de~on ame, et à ne cen espérer parce qu'il a tout à risquer. Cef:e vie est pour lui le souverain bien le terme de tous ses désirs; et, s'il marchande tant à l'abandonner, c~esc parce qu'avec elle il perd tout; qu'il n'attend plus rien, et voudroit vainement se persuader, que. la nature s'est epuisée ici-bas, qu'elle n'a prodigué tous ses trésors, toutes ses richesses que pour son plaisir, et que par là tout est dit. Il voudroit se persuader a lui même et aux autres, que Dieu n'& créé la plupart des hommes ici-bas que pour les tourmenter; qu'il ne se plaii qu'à les voir dans h peine et dans la douleur; qu'ils sont étrangers à la joye; et que le juste n'a été placé sur cette .terre que pour. concribuer par ses souffrances au bonheur des autres, et pour'gémir sous la verge dé l'injuste. Mais, malgré tous les enbrcs qu'iHaic pour s'abuser, il s'élève du .fond de son ame une voix sourde à la vérité, mais qui l'agite et le tour~mente, une voix qu'il ne sauroit écouSër, et qailui crie sans relâche, que tout ceci n'est que mensonge, que ce sont des vœux frivoles produits par le

vïce et F~resse, enviante la verrn ses recompenses, désirant plutôt un anéantissement, une descrucdon totale, que de voir surmonter et triompher !a venu souSranie.

Tels sont les: doutes, les vœux de ton persecuteur. Mais~qaanra toi,.quelle différence ? Qu'aurois tu à redouter? Tu' as souffert de la calomnie, des embûches de tes ennemis; des dissipateurs insensés t'ont retenu le salaire dû à tes travaux, cr t'ont dépouule de tes biens justement acquis, sous l'apparence et le nom emprunté de justice; .de faux amisYont trompé de toute façon, et d~ambicicux mondains ont joui de distinctions qui n'ëtoinc dues qu~ tes mérites. Combien de fois n'as tu pas vu i~ soleil se coucher, sans avoir pu satisfaire les pre-~ miers besoins de la vie, sans avoir eu de quoi couvrir ta nudité, ni appaiser ta faim? Combien de fois îe sort déplorable, tant présent que futur des pauvres innocents, aux quels tu as donné le jour, n'a-t-il pas ulcéré ton cœur, et rempli tes yeux de larmes améres, la vue de leur misère? Combien de fois n'as tu pas invoqué le secours de ceux que lés rayons de ta bienfaisance avoient jadis échauffés ? Mais tu as trouvé les oreilles fermées et les cœurs end~cis. Au'lieu de soulagement tu t~es vu accablé de mépris et de railleries. Tous les matins à ton réveil, ru as retrouvé la misère à tes, côtés. Le~ommeii a été le seul consolateur de tes peines y quoique, son secours t'ait souvent même été refusé. Le corps énervé de maux, M as enduré avec

padence et avec" fermeté tous-les tocfment~~e i'esprit et d'une ante navrée. Mais y la confiance en celui qui donne naissance aux neurs émaillées, et qui nourrit l'oiseau des champs, une confiance assurée en ton Dieu.ne t'a jamais abandonné. Elle a su calmer ton ame lorsque toute ~nature sem" bloit conspirercontre toi. C'est alors que dans l'angoisse de ton cœur, tu t'ë? adressé a lui, et t'es ~crié, ~Dieu! mon père! tu m'as exposé à des ~vicissitudes bien cruelles, cependant je n'ai point abandonné le chemin que tu m*as montré,' 1 3, ni négligé. les devoirs que tu m'as prescrit. J'ai y,faic.le bien autant qu'il a dépendu de moi ec ~e "me suis conformé a ta volonté, autant que ma ,,fbib!esse a voulu me le permettre. Ta bonté ,,m~encourage à espérer un. avenir plus teureux. Tu le peux et tu le. veux; ou tu ne serois pas ,,ce Dieu ce père que,nous invoquons, et tous cet tyrans de-la terre qui font gémir les peuples de "leurs oppressions ne seroient pas aussi cruels que ,,toi, si tu n'avois créé des êtres innocèns que pour les abandonner à des favoris, qui au méprit "de tes bienfaits, ne veulent reconnoïtre ni toi, ni tes loix-

Après avoir souffert de pareilles épreuves oj pourquoi repousses tu con bienfaiteur, ton sauveur, cette mort qui te ramène au néanf~ cet étae d'insensibilité dont tu es sorti, ou qm te'conduit au sétour du bonheur? scroit-il possible que Fus ou Tautre t'inspirassent du (~gbût J Mais, quoi qu~I ên ~oitbon gré, ou malgré, la vallée de la mort

e<r le seul chemin qui puisse c'y conduire. Ou, craindrois~tu peuc-ëere l'avenir, parce que tu n'as pu obtenir fajconvicaon, la certitude d'un-ou de plusieurs articles de la religion dans laquelle m es né, de la croyance de tes péres? parce que m -as osé bazarder quelques doutes, relativement à des objets sur lesquels les hommes ne sauroient s'accorder ? Cependant m t'es pleinement convaincu de l'existence d'un premier auteur de cet univers, tu res évertué à faire. le bien, à rendre la justice, parce que telle ;éfoic sa volonté, et qu'il en résultoit un avantage permanent pour toi et pour ceux avec lesquels tu as vécu. Tu as passé ta vie dans la pratique de la vertu, et dans la recherche de la vérité~Tu n'as négligé aucun moyen pour parvenir à la découverte de celle-ci. Tu ne t'es jamais refusé, et tu te trouves encore disposé reconnoïcre! volontairement celles dont on te montrera révidence. Tu n'as blâmé, ni tourné en ridicule personnel parce que la façon de voir des aucres n'écoit pas la tienne, parce qu'il leur falloit des preuves, des té* moignages plus positifs et plus sensibles pour suivre la voix de la raison, et pour agir confbrmément aux loix de la sagesse~ Tu as même reconnu ~'udiité~ la bonté de beaucoup d'objets, quisurpassoient ton intelligence; tu les as. au moin& considérés~ comme l'équivalent de la raison, pour ceux dont la fbiblesse ne pouvoit supporter la vérité dans toute sa simplicité comme des guides pour le pand nombre de ceux qui ne pouvant voir <~

par les y~ux desautres, et par des images sensibles~ auraient courru risque de s'égarer, s'ils avoient été abandonnés à eux-mêmes. Tu as cru qu'au moins cet égard ces,objets portoient l'empreince dé la divinisé, et que dans l'ensemble de. cec univers, ils" avoîenc éré très sagement employés comme moyenscontribuans à une même fin, et proportionnés aux facultés diverses de l'esprit humain.

Que crains tu, pourquoi donc trembler avec de pareils sendmens? La religion du vulgaire, celle de tous les peuples, pouroit-elle exiger quelque chose de plus pour constituer la vraie religion? A quoi sert la foi, si ce n'est à produire les bonnes œuvres ? Aura-t-on quelque chose a. te reprocher, lorsque tu auras accompli tes devoirs, qui sont l'essence de la foi, aux quels touce croyance, toute révélation ne servent que de moyens, pour en nourrir et en fortifier davantage les dispositions, et 'pour conduire ceux qui ont besoin d'un guide assuré ? En un mot, sois ~ufitc, sois venueux' Parmi cette grande diversité d'opinions, que chacun défend en apparence avec. une égale conviction, ton état, tes devoirs te pcrmctcrôient-ils de prononcer, quand même tu nemahquerois pas de moyens pour diriger ton jugement, ou pour concilier des contradictions, qui sont souvent entièrement indiSeTenies, et quelque-fois même diamétralement opposées au bonheur et à la conduite de l'homme, et ne sauroient par conséquent être d'origine divine? Çe- ne sera pas d'après les principes; les opiuioo~

-et !es préjugés, dictés par rincérec de tel ou tel homme, que m seras jugé; mais cyprès tes propres sentimens; d'après les facultés qui t'ont été accordés; d'après le désir que m auras témoigné, ec les efforts que m auras faits de, découvrir la yénié. Ne confonds donc pQint le Dieu des écoles y avec ce Dieu bienfaisant, ce père de la nature, qui est tout amour; mais que les hommes ont réprésenté comme un Dieu couroucé et vengeur; a~p de se rendre les méditàteurs entre lui et sa créature, de se soumettre les ames foibles; afin de tenir la terre dans une dépendance servile par dès monts souvent trop mondains; Si tu joins encore à cette croyance celle d'une révélation plus marquée plus posidve; si la foi, si les idées que m te formes de l'être suprême sont saines et pures,; si ta confiance en ses bontés est sans bomes; c'est alors que m dois espérer, souhaitter, et désirer avec ardeur le terme de ta dissolution, bien loin de le craindre et de le redouter. Chaque minute que m tardes à te rapprocher de la source de tout bien, devient pour toi une source de douleurs, une perte réelle. Tes terreurs, la crainte que tu manifestes de la mon, sont des marques de l'incrédulité donc m te rends coupable par-là tu découvres ton attachement à la terre, le peu de cas que-eu fais de Dieu, la fbiblesse de la foi et de la confiance en Ym; que tu prouves que ta vie da point été sans &ute et sans tache; que tu as encore a te faire le reproche, .d'avoir plucô: mérité de s~part la

réprobation et les peines,, que des récompenses. Car d'où pourroient autrement te venir cette appréhension~ ces incertitudes et cette crainte lorsqué touc devroit, au,contraire, t'autoriser à espérer un meilleur sort? à passer à un état, où, d'après h raison et la révélation, le juste n'a que du bonheur à attendre ? pourquoi l'homme vertueux et raisonnable resceroit-il en suspend, pour abandonner une vie remplie d'amertume, qui ne sen que de passage et de préparation à des scenes d'une nature bien plus élevée; à éprouver notre patience, notre fermeté, et à nous approcher de la perfection? Sans une telle perspective, à qui cette vie, que M chéris tant, que tu abandonnes avec taac de regret, seroit-elle supportable? Dis moi qui n'a pas eu, plus d'une fois, pendant le cours de sa vie, en horreur, l'heure de sa naissance ? Combien n'en est-il pas qui ont même douté si la vie étoit un bien, si le néanc n'étoit pas préférable ? qui, dans bien des occasions, ont appelle à leur secours la mort, comme ua libérateur? Et cependant nous hésitons à déloger Il faut donc ou que les plaintes que nous faisons continuellement entendre sur les maux de cette vie, soyent injustes, ou aussi, que cette même vie ne mérite pas que nous regretions .sa perte; et les larmes que nous répandons sur le tombeau des amis qui nous~nc précédés, ne de" vroient pas être des larmes de pitié et de douleur, mais des larmes de joye et de félicitation, d'avoir ~~enu leur liberté~ et d'être sorc~ victorieux de

tombac dans lequel ils se trouvoient engage MRHe ec mille fois heureux! celui qui a évité temsjes vicissirudes des choses, le danger de iailIn'.dc commettre des actions inhumaines de s'abandonner à la colère, et à d'autres foiblesses humaines. Tout est rempli d~ncemtude ici-bas. Le jour le moment prochain peuvent détruire, dans un clin d'œil, le bonheur et les grandeurs dont nous nous sommes bercés pendant des années. Combien n'en est-il pas qui ont vecu un jour de trop, et qui par-là ont survecu à leur bonheur et à leur gloire? Quel est le Ïavori de la fortune qui, à défaut de maux actuels, soit en sureté contre ceux avenir. Le malheur gît souvent dans la plénitude du bonheur même, par la crainte de loue perdre, lorsqu'il ne reste plus rien à désirer. Les couronnes ne peuvent guérir des maux de tête, et les soucis rongeurs ne se détournent point des palais des grands. Ils s'y introduisent a côté d'eux sur le trône ils les accompagnent à leur coucher, ils vol. tigent autour de leur lie, ec se jouent d'eux dans )ëurs songes. Ils se lèvent avec eux pour ne les plus .quitter. Toute leur vie n'est qu'un enchainemenc de vains désirs, dont le plus pedc nombre peut peine être assouvi; de projets et de plans qui ne ,sauroient être exécutés; d'essais douloureux, dangereux et manqùés. Leurs sens sont émoussés et usés, et les plaisirs que nous obtenons avec tant de dimculcés, que nous goûtons si rarement sonc pour ~uxcrop souvent répété~De-Ia ces aversions, e~

dégoûts continuels cette impuissance de se procu~rcr des plaisirs plus neufs, plus piquans: de-la ce vuide qui se fait sentir dans leur coeur aussi bien que dans leur cête, et ce tourmeMqui Ies.accompagne 'partout, cet enfer. des grands~cdesriches.l'ennui. Des mariages malheureux, la crainte des conjurations et du poison, le mécontentement er les murmures des peuples, joints à l'impuissance de les sécoumr~ ne forment qu~une pedce'paroe du grand nombre d'ëvènemens facheux qui obscurcissent la sérénité des jours de ces divinités de la terre, qui les rongent <Tun chagrin intérieur, et qui, aulieu d~exciter notre, envie, devroient plutot nous faire -regarder cTun œil de pide Fecac dans lequel ils se trouvent. Touc concourt à les faire souvenir qu'ils sont hom-mes, et que s'ils ont ëcé favorisés de la fortune, et élevés à un rang supérieur; cette préférence ne servira peuc-écre qu~à leur occasionner une chûce doutant plus sensible et plus cruelle. Leur état ne sauroit les préserver d~aucun des maux attachés à la nature humaine. Les coups qui frappent le dernier des mendians, n'épargnent pas les premiers d~enire les grands de la terre. Quel est le monarque qui a osé dire à la foudre: NE M~ÉCRASE POINT et au feu: NE ME CONSUME POINT? Parmi ces adversités générales, il y en a même qui ne sont propres qu'a leur écac; ec il semble que les maux les plus grands, les plus sanglans, ne soyent réservés à la. première classe d'entre les hommes, que pour nous disposer d'avancas~ robéissance, a la

reeonnoissance jenvers eux, et à nous rendre moms jaloux de leur état. II y a des adversités qu~ ne peuvent être senties que par des rois, et même les maux ordinaires rendus supportables au commun des hommes, se font sendr doublememenc, avec plus de force et de vivacité, déchirent l'âme avec plus de constance et d'acharnement, lorsqu'ils de.viennent le parcage -de ceux quijse trouvent'placés. dans un rang supérieur, ou en possession d'une cou~ ronne. Comme nous ne pouvons tomber d'aussi haut, notre chute ne sauroic être aussi sensible, aussi souvent-pfévue, ni autant redoutée; il ne nous reste pas le souvenir amer de notre grandeur passée; nous n'avons point à lutter contre les soupçons et la mé~ance, à supporter les cris et les reproches des mécontens, et à nous charger de soins étrangers aussi bien que des nôtres. Qui est celui qui pourroit, après cela, envier le sort des monarques, des grands de la terre, s'j~ désire de goûter les douceurs de la vie ? ~e iaut-il pas plutot s'étonner qu'il -se trouve encore des hommes, qui veuillent se charger d'un fardeau at)ss~ pémble, et sacrifier leur repos au bonheur des au"très. 'La vie privée peut seule nous garenrir de pareils dangers, ~importe qu'un Néron et des mons~-tres-qui lui ressemblent:, succombent sous le poid énorme de leurs crimes atroces; qu'un Pygmalion, persécuté par les furies, change toutes les nuits sa couche,'de crainte d'être assassiné. Cela ne doit nullement étonner. C'est une suite de leurs forfait

Mais, lors que Fon ose attenter à la vie d'un Tî< tus, les délices du genre humain; lorsque Henri IV. la gloire et l'ornement de la France, tombe sous le fer des meurtriers; qui osera soutenir. que~ la vie deb souverains ne soit un enchaînement de tourmens et de dangers? Priam et Hecube, Crésus et Persée le Macédonien, le fortuné César vain" queur des Germains dans les marais de mincume; le cadavre de Pompée à la côte d'Afrique, Maujfice et Conràdin~, Charles premier et Marie d'E~ cosse; et toute la suite des monarques tant anciens que modernes, qui ont terminé leur carrière d'une manière aussi tragique, ne se trouvoient-ils pas placés au premier rang, et n'ont-ils pas subi le sort des derniers des humains. Ce n'est pas l'histoire de l'As're et celle de l'empire d'orient seulement, qui nous présente le tableau d'évèncmens aussi terribles; celle de tous les écacs de l'Europe en est remplie. Elle est un miroir ndèlle qui retrace aux meilleurs souverains même, les événemens dont ils sont menacés. Elle les avertit d~étre sur -leurs gardes, et le souvenir qu'elle leur laisse con~ tribue souvent à empoisonner les plus beaux de leurs jours,

D faut quelque chose de plus qu'un rang élevé <M le superflu des biens passagers pour constituer la ~ëlicRé, qui doit être sentie intérieurement. La. faculté-de jouir en fait la base. Rassemble autour de toi tous les trésors et toute la puissance de la ~erre, m n'en seras pas moins rongé de crainte et

d'inquiétudes; tes protêts ~'en échoueront pa~ moins comme l'invincible flotte de Philippe. Te rendront-ils ta femme et tes enfans que la, mon t'a enlevés? Calmeront-ils les douleurs dé la pierre et- de la goutte? Eteindront-ils le feu de la névre quf te consume? Tous les plaisirs que tu crois trouver dans leur possession, perdront Factraic de~ la nouveauté. Tu voudrois en changer, t'en procurer de plus parfaits; mais tous les trésors, toute la puissance que tu possèdes n'empêcheront pas qu'ils ne t'échappent. Ta vue, ton dme saSbibliront; tu seras estropié d'une chute, èt tous ces moyens sur lesquels tu fondois ton bonheur, te rendron~ils un membre que tu auras perdu, préviendront ils l'o-~pération du trépan, à la quelle m te vois condam- né? Si l'on rénéchit que Socrates s'est vu forcé de boire la coupe empoisonnée~ que Caton même a eu recours au poignard; et que le second Brmus avant de ~e précipiter sur son glaive~ a mis en doute si la vertu exsistoic~ si elle étoic autre chose. qu'un v~ nom, une rivale jalouse du bonheur des hommes; la vie ne doit certainement pas avoir des attraits aussi puissants, et Ton doit trouver des raisons plus que su~sanies pour désirer la mon, lors même que les' circonstances semblent nous promettre le bonheur le plus parfait. C'est alors que tout monel.~vant de mettre le pied dans là nasse de Charon, doit recommander aux amis qu'il iaisse au rivage, d'oiR'ir, en son nom, un coq à Esculape.pour le remercier deTavoir&it échappée

à tous ces dangers; et qu'en leur tendant la main pour la dernière fois il doit leur souhaicter qu'ilspuissent. bientot .le suivre.

Dans une vie que l'on passe, et qui se trouve partagée, pour la plus grande partie entre les incommodités de l'enfance et celles de la vieiHesse, entre les excès dangereux de la jeunesse et les intrigues de l'âge viril, entre les infrmités et les passions alternativement agité par l'envie, la colère, la tristesse, la crainte, et l'incertitude, entre l'ennui rongeur ei une acdvité remplie de périls; dans un monde où les plus puissans même, sont exposes a ces vicissitudes, où l'on a a redouter le.souSe contagieux d'un'air empesté, les fureurs'de la mer, des tempêtes et des orages, les ravages dès nammes~ les éclats de la foudre, les écroulemens de la terre, et le bouleversement de tous les élemens; dans un monde où l'ennemi le plus irréconciliable del'homme est l'homme même; où l'on ne rencontre que-persécution, esclavage et oppression; ouïe desponsime -et l'intolérance, les guerres religieuses et civiles, produisent des Saint Barthélemi et des vêpres siciliennes, qui n'épargnèrent pas même l'innocence au sein de la mère; où les opinions sont soutenues par le fer et le feu, et la pensée même rendue criminelle; où les chaines et les cachots, les prisons perpétuelles et les échaSauds se trouvent toujours préparés; ou les mines les galères, les ïatomies, les bastilles et les tribunaux de l'inquisition onvrenc une gueule impitoyable pour engloutir

ïës amis de la vérité et de !a vertu. C'est daa$ 'un tel monde que, loin de prendre des mésures pour se fixer, il vaut mieux se préparer au dépan; qu'il est tems de s'armer de résolution, de chercher une issue pour s'échapper, de se choisir un port assuré pour se mettre à l'abri- contre les orages de la vie et- pour cet effet, dédier au devant de )a mon, comme à -son libérateur, avec fermeté, avec courage et avec assurance afin déviter par là de bien plus grands maux encore; dans un tems ou la nature nous fait. signe, et nous invite de nous approcher de ~a couronne quelle nous montre dans l'éloignement, et qu'elle ne destine qu'à l'achléte intrépide qui n'a point reculé de la place qui lui avoic été assignée, et qui à souicau avec courage les assauts multipliés, qui lui ont été livrés.

Mais, à quelle fin, ô homme insatiable sollicites-tu la prolongation de tes jours? Crois tu que ces plaisirs, répandus avec tant de parsimonie, conserveront- toujours les mêmes attraits ..malgré la diminution continuelle de tes forces? Regarde ce vieillard décrépit, succombant sous le fardeau des années~ ceice idée, ce fantôme dé tes vœux et deces désirs; ce jouet de la jeunesse étourdie, ce spectre ambulant à charge à lui-même et a ceux qui l'entourent; cette antiquaille dans un monde ëcranger et nouveau pour lui;. ces tristes restes d'une jeunesse jadis fougueuse, cette ombre de h vie, ce cadavre vivant. Considère ces yeux .obscurcis, dans lesquels le feu de la vie est éteinc, ec

~ui Be peuvent plus rien distinguer; ceo& booc~ édentée qui a perdu toutes ses fbncdons. Regarde~ comment son corps vouté s'incline vers là fosse qui doit lui servir de domicile; cette mémoire perdue, cette débilité de l'esprit,. et ce corps donc~ les forces sonc épuisées, cette seconde enfance~ ont ils donc tant d'attraits pour toi, 3onc-ce des objets si désirables? Mais, quand mémetupourroïS encore ce reposer sur tes forces, prétends m donc, seul reste d'un monde passé, conduire tous tes amis au tombeau? Regarde autour de toi, jette,les yeux de tout côté: ceux qui partageoient jadis tes plaisirs ne sont plus; tu demeures seul. Ce monde c'est plus pour toi le même, il s'est renouvelle. Les compagnons de ta jeunesse, ceux qui t'aidoient dans l'exécution de tes projets t'ont dévan-' ce, et tu te trouves isolé parmi les vivans; ces jours de fête, ces jouissances auxquelles tu ne saurois plus prétendre n'ont plus d'attraits pocr toi. Il est tems que tu quittes la scène; ton role est joué. Pourquoi attendre que M sois remplacé par un successeur, qui ne t'accordera qu'à regret une chédve subsistance, et qui compte avec impatience tous les momens qui doivent enfin le délivrer de ta présence? Et tu pourroisencore désiref la prolongation d'une semblable vie Ame lache et craintive! si tu convieny que ai n'as plus rien à perdre en quittant cette vie; que M n'as rien à redouter pour l'avenir; que tu éviter des jnaux présens~ qu'en perdant ici quelques bien~ passagers,

passagers, c'est pourvue gagner là-bas; si tu. conviens que la mort est une loi générale, invariable, -j et indispensable de ia nature; que la craince quelle inspire, bien loin de reculer pour un instant le terme de la mprt, ne fait que Faccélérer, qu'empoisonner toutes les jouissances de la vie qu'un trop grand amour pour cette vie te met dans une dépendance, daps un assujettissement continuel, tandis qu'en renonçant sincèrement au monde, m deviens libre, indépendant, et pour ainsi dire, maître de la nature; si cette crainte d'un mal momentané, nécessaire et général, n'a de réalité que dans la pediesse de ton esprit, dans les bornes de ion. entendement, dans le désordre de ton ame et dans la lachetéde ton cœur; si. cet amour excessif de la vie, se trouve en contradiction avec les sentimens que tu professes pour la divinité, avec Fhommage que tu lui dois, avec la foi et la raison si elle devient une barrière criminelle qui t'empêche de te raprocher de Dieu, pour te -fixer ici-bas; si elle te fait renoncer à des biens permanens et futurs, à une vie plus parfaite, que ta rejettes tout à fait, ou, à l'égard desquels, tu nages dans le doute et rincerdtude, parce que m t'es trop fortement attaché aux biens de ce monde, ou aussi, parce que tu te figures l'avenir -comme un fems et un lieu de tourment, et Dieu comme un tyran, qui prend plaisir aux peines du juste. Si m conviens de plus que beaucoup de créatures, plus foibles que toi, ont soutenu cette mort) ont

vu approcher ce moment redoucé~ l'ont memU désiré avec la plus grande tranquillité, la plus parfaite résignation d'esprit; d'où vient donc qu'elle &it trembler l'homme éclairé, raisonnable, et éprouvé dans la. venu ec dans la droiture? d'où vient que la saine raison est moins puissante que l'ambition, la mciancbolie, l'amour de. la pamë~ le fanatisme ct le, désespoir? d'où. vient-il que Famé humaine, d'ailleurs si accessible, si sensible au bien, non seulement, reçoit avec tant de froideur, tant d'indiNercnceun remède aussi salutaire; mais même recule d'effroi à ridée seule de la' mon?

Nous ne craignons pas la mort parce qu'elle est terrible, enrayante aux yeux de la raison nous la craignons parce que, dès notre plus tendre jeunesse, on nous en a inspiré la frayeur, parce que des gouverneurs, des surveillans ignorans et remplis de préjugés, nous l'ont représentée sous les images les plus fausses les plus temblex Ces images se. sont emparées de notre ame encore neuve y ont fait de profondes impressions et s'y sont habituées. C~est avec de telles images que nous ayons à lutter. Elles ont pris," par des représenta- tions continuellement répétées, de si profondes racines dans notre ame, que ce n'est qu'après des combats longtems et vivement- disputés, qu'elles 'consentent à céder le pas à la raison plus tardive. Ce n'est qu'au moyen d'une application de-plusieurs années, de réuexions biens soutenues, que

y~spfïc peut parvenir à les écarter, ce a en eS~cef Jës premières impressions. C'est aux instructions que nous recevons pendant le cours de nos, prémières années, c'est à nos premiers instructeurs que Dous devons des idées si déraisonnables, et qui deviennent par la suite un tourment réel pour nous. Si des notre plus tendre jeunesse oh nous eût inspiré d'autres principes, nous serions, avec l'âge, allés àu devant de la mort, avec autant- de fermeté que son nom seul nous inspire actuelle* mène de crainte.

C'est dans la jeunesse, où Ïe cœur et la tête jouissent encore de~leur prémière pureté, où ils sont ouverts à toutes les impressions tant. bonnes que. mauvaises, que Fon devroit familiariser les hommes avec l'image de la mort) et leur en ins~ pirer le mépris. Cependant c'est dans la plus tendre jeunesse que, séduit par de fausses représentations i et des exemples contagieux, on assimile au son yague de la mon les idées les plus désagréables~ qui deviennent un tourment aux vivans~ tandis que les mourans y sont insensibles, et lui échappent par la mort même. Cette image de nos amis; de celle qui éfoic l~objet de toute notre tendresse~ expirans~ leurs angoisses, leurs priéres, leurs sol" licitations et leurs combats; ces peines que noua resseMons a leur départ; ce vuide qui se fait sentir dans noire ame, par Finferrupdon subite de la co&cume que nous avions contractée de vi" 1 yre~ de nous entretenir avec eux de puiser -les C2<

plaisirs les plus consolans dans leur catretjen; l'idée de les voir s'éloigner, de rester en arriére; la solitude des lieux, où nous les cherchons mu" tilement, et où nous ne les retrouverons plus; ces pleurs, ces lamentations de ceux qui leur ont survécu ce son lugubre de la cloche funéraire, joint à la vue de ce corps froid et inanimé qui vient de perdre son locataire, le chant mortuaire, la cérémonie, non moms lugubre, de déposer dans le sombre caveau ces restes qui ne sont plus rien pour nous, de les voir couvrir d'une poussiere avec laquelle ils seront bientot confondus; ce silence qui règne dans les tombeaux, et cette crjince que nous prétons aux mons de retrouver subttement le sentiment, sans espérance dé secours, pour pouvoir revenir à la vie. Tomes ces images réunies s~élevenc à la fois dans notre ame au nom seul de la more. C'est avec de tels objets, dont nous n'aurons aucun sentiment à notre dissolution, que nous obscurcissons nos jours les plus séreins. C'est avec ces images de notE~ fantaisie, que nous construisons le fantôme, sous lequel nous nous représentons la mort. C'est cette idée, enfant de rillusion, qui nous fai!: trembler et nous agite. Cette aversion, ce dégoûc avec lesquels nous abandonnons cette vie, sont au fond les mêmesavec lesquels nous passons dans un pays étranger avec lesquels nous quittons un domicile incommode, mais que nous avons longtems habité. C'est l'aversion et le dégoût avec lesquels le Lappon ou

le Grôenlandois se sépare de ses rennes, de son ciel. glacé et nébuleux, de ses nuits éternelles, pour être transplanté dans des régions délicieuses, dans un climat doux et tempéré. C'est l'aversion avec laquelle nous renonçons à d'anciens préjugés, profondément enracinés, aux opinions de la réligion dans laquelle nous sommes nés, quelque démon*trée que soie leur fausseté, pour en adopter de nouvelles et de raisonnables. Lorsque l'esprit. humain s'est une fois accoutumé à une certaine marche, à parcourir un certain enchainement aidées, il ne peut sans aversion, sans dégoût? se résoudre ja en adopter de meilleures. C'est par là qu'une coucume longtems établie nous familiarise avec le mal même, et nous le fait supporter, et que le bien peut nous déplaire, lorsque la transition qui nous y conduit est trop subite..11 n'y a que le tems, de fréquentes répétitions et une liaison étrotte avec les objets qui nous ont paru nouveaux, qui puissent nous réconcilier avec eux, nous les faire envisager avec complaisance, et nous faire .oublier les anciens; et nous pouvons prévoir, sans peine, qu'a la longue,. nous serons aussi attachés aux premiers, qu'il nous en a coûté pour renoncer aux autres. C'est ainsi que les maux mêmes se sont changés chez nous en besoin, et que le bien nous est devenu un tourment. L'habitude de vivre nous enchaine, ainsi que des esclaves, à Javie la plus malheureuse, et nous avons autant <ïe peine à l'abandonner que le galénen de Richelieu

lieu avait de regret à quitter sa Chiourme.. Nous pensons contiruellement à la vie, et pres~que point à la mon. Nous oublions que nous ne sommes que des pélérins sur cette ictre, ~t que le séjour d'ici bas n'est qu'un passage de courte du" rée. Nous considérons les biens extérieurs comme faisant partie de nous mêmes et comme devant nous accompagner par tout. Nous pensons que, sans la jouissance de ces biens, la vie n'est que misère et que douleur, et, dans cette idée, nous supposons que la mort qui doit nous en séparer pour toujours, nous prépare le même son< C'est dans cet oubli de notre nature mortelle que nous formons tant de -plans et de projets extravagans. Ils demeurent sans exécution, parce qu'ils s'étendent au delà du terme de nes années, et ils rem-' plissent de difficultés le passage à une autre vie, dans laquelle nos acuités seront exercées par des objets d'une toute autre importance, et au prix desquels les occupations de ce monde ne seront qu'un jeu pueril. Ajoutés y encore les inquiétudes sur le sort des enfans et des amis que nous abandonnons ici. Ces inquiétudes, qui ne servent qu'a ~rendre la séparadon plus douloureuse, de part et d'autre, déchirent notre ame et nous font oublier que nous les retrouverons bientôt; qu'Hs ont à parcourir la même carrirèe que nous devons leur montrer; que c'est Dieu qui aum so~ d'eux, et ne leur ~era éprouver aucun mal, qui ne tourne enfin à-leur b~o daa& yeacbamemem

cef univers,

Ce sont toutes ces causes réunies, et que nous méconnoissons, qui rendent notre séparadon de ce monde si diSciIc. Ce sonc elles qui nous insr pirenc cette aversion de la mort. Mais, cette aversion n'est point un eSec de la raison. Elle est le fruit du préjugé, de la passion, de l'habitude et de l'inconséquence. Oui, mon ami! lorsque eu te .seras endormi entre les bras de la more, pour passer doucement dans ces régions tranquilles, ou règne une paix perpemelle, il est certain, que m perdras, pour quelque tems, ta femme, tes enfans, tes parens eues amis; mais, pour toujours, ton rang, tes dignités, tes trésors, tes palais, tes terres, tes jardins, tes repas somptueux, tes lits vohipcueux, ainsi que ton influence politique. Tes chers, tes prétendus amis, lorsqu'ils se seront as* .sures que ta fin est décidée, toumeron&-ie dos, à ton soleil couchant, pour se rassembler autour. du successeur qui s'élèvera sur tes ruines, pendant que m respires encore. L'illusion se dissipe, Fivresse du bonheur cesse, et tu éprouveras. que ta es un être fbible, isoÏé, abandonné de rare et des hommes. Tu ne pourras emporter d'ici rien de tout ce qui a servi à t'élever au dessus des autres. De toutes tes vastes possessions il ne te restera de terTe, que ce qui est indispensablement nécessaire, pour y faire pourrir ton corps; et ton nombreux domestique ne te servira plus qu~ rehausser la pompe de tes funëniUes; pompe vaine dont tu

ae jjomms p!os, .que m ne partageras point, quÏ fera bientot place à d'aunes scènes plus gaies et plus brillances, et -qui ne servira, tout au plus, qu'a te rapeller quelques jours de plus au souvenir des hommes; si ces venus, si des actes de bienfaisance, ne t'ont pas érige des monumens plus durâmes, dans le cœur et dans l'esprit de~es contemporains et de ces neveux; ou qui sera peuc-écre accompagnée de malédictions de la part des malheureuses victimes, de tes rapines et de ton ambition à chnque poignée de terre dont ton cercueiÏ sera couvert Oui, certainement, il te faudra renoncer à tout cet appareil, et, foible, nud, tel que tu es sorti du sein de ta mère, abandonné 'ec dépouillé de la grandeur dont l'opinion des hommes t'avoic revécu, il te faudra rentrer dans le sein de la terre.

Mais, quoi! cous ces biens tant désirés, tant recherchés des hommes, constituent ils donc le souverain bonheur? A quoi te serviront-ils, si tu perds avec eux les besoins qui te les rendoient si précieux et si nécessaires? Lorsque la toile auraété baissée devant toi, et que tu auras achevé ton rôle, tu peux hardiment. abandonner cette pompe chéao'ale, au nouvel acteur que le sort fera monter à ta place sur la scène. Emporte avec coi ces bon* nes œuvres, les larmes que ta perte aura fait- répandre aux amis de la vertu. Elles seules te faciliteront rentrée dans ton nouveau domicile, et à rapproche d'oa semblable convive, avec~ une

pareille suite, les perces d'une bienhenreuse eea~ nicé, s'ouvriront d'elles mêmes. Forme des entreprises qui dépendent uniquement de toi, qae 1~ tems ni l'éternité ne puissent te ravir. Et sur quel*le propriété peux m faire plus de fonds, que sur l'exercice et le développement de tes facultés, sur la perfection intérieure que m as acquise ici bas. Abandonne cette enveloppe fragile, et les omemens frivoles dont elle se trouvoit décofée la terre dont m es sorti, et à cette foule d'insensés qui méconnoissent ce qui est vraiment bon; et revêtu de la splendeur des anges, éléve toi aux sphères supérieures, où les vertus ne seront point méconnues, et où chaque combattant recevra la couronne due à ses victoires. C'est à ce prix là que tu pourras obtenir, tout ce ,qui sera approprié à tes nouveaux besoins, sans qu'il te reste le moindre regret, pour les biens périssables de la terre, que ne t'inspireront que du dégoût- Mais si tu penses sérieusement qu'ils sont indispensables à ton état futur; que sans eux il ne sauroit exister de bonheur; si tu penses que toutes ces cbédves merveilles d ici-bas, sont le but, et que tu sois le centre de la création: ah dans ce cas je te plains Les peines que tu t'infliges sonc méritées à juste titre, et m ne dois t'en prendre qu~ toi-même, si, à ton départ de ce domicile, tu emportes avec toi les fantômes qui obsédoient ton imagination dérèglée.

Mais, rassure toi, et rentre en toi-même: qui

ponrroït te retenir dans les fers de renchainement ici bas? La préparadon à la mort est la prépara* ,,tion à la liberté; celui qui a appris a mourir a su se delivrer de l'esclavage." Qui t'empêche de te familiariser d'avantage avec la mort? Pourquoi ce l'es tu pas déja? Ou cet événement si inévitable pour tous, te seroit-il peut-être inattendu? qu'y a-t-il sur la terre qui ne t'en fasse continuellement ressouvenir? Ce que tu redoutes tanc, et ce que tu ne saurois cependant éviter, peut te surprendre d'un moment à l'autre. Ni le tems, ni le lieu, ni l'état, ni l'âge, rien ne sauroit t'en garantir. La mort est souvent cachée au milieu des roses, et trouve par tout un recoin pour épier sans ménagement sa proye. Toute l'histoire n'est pour ainsi dire, qu'un vocabulaire des noms de ceux qui forent, ec–~qm ne sont plus. Nous mourrons tous les jours, à toute heure; ec d'un-instant à l'autre, nous ne sommes plus ce que nous édons. Tous les momens de la viè diminuent ceux de ton éxistence, et la mort ne fait qu'achever -l'ouvrage de ta naissance. Les plaisirs de notre jeunesse nous abandonnent, ainsi que nous les abandonnons. Une longue vie n'est qu'une" mon prolongée. Regarde autour,de toi! Que sont devenus les sages de l'antiquité ? Que sont devenus tes enfans, les hommes que tu as le plus chéris? Ils t'ont dévancé, ils ont passé dans les lieux d'où l'on ne revient pas, où l'on t'attend toi-même. C'est là que t'attendent teux ~nr lesquels tu portes le deuil. C'est la que

tu ie trouveras tour a coup dans la société de tota les grands hommes, des hommes vertueux; awmilieu des amis qui t'ont précédé. Ils se réjouiront de la venue de ce nouveau convive, et te feront participer aux joyes et aux félicités de cette nouvelle vie. Ils attendront conjointement avec toi Farrviée des amis que tu as laissés en arriére, ils veilleront sur eux, et verront, comment leurs prétendus maux se modifieront en épreuves et en préparation pour un bonheur avenir; ils se réjouiront de ce que., de soit disant malheurs leur-sont tombés en partage, afin de leur faire désirer l'avenir avec plus d'ardeur, afin de leur apprendre que le .séjour d'ici bas n'est point une demeure permanente, pour des êtres d'une nature, d'une origine plus pure; qu'ils onc été créés pour des scènes plus rélevées; que Dieu ne connoit'point de favoris; qu'il seroit injuste; que ses ouvrages, avec tout i'ordre, et toute l'harmonie dont ils sont caractérisés, resteroient imparfaits, si le malheur éternel -d'un seul juste, étoic nécessairement enchaîné au but -qu'il s'est proposé; afin de leur apprendre qu'il ne sauroit arriver de mal à qui que ce soit, qui ne tende à la perfection et au bonheur de celui qui en est l'objet, et que dans. tout ce vaste uni.vers, personne n'a été créé en vue de servir d'ombre -à d'autres, pour s'évanouir ensuite dans l'immensité de l'éternité.

Ce n'est pas l'homme seul, mais tout ce~ qm t'entoure qui doit te ~aire ressouvenir que m el

mortel. Tout ce qui existe partage avec td h jnême destinée. Tes biens" même vieillissent, et sonc ainsi que toi sujets au dépérissement. Cec arbre touffu que eu as planté dans ton emance, Fombre duquel ton cœur s'est ouvert à l'amour dans ta jeunesse, ce sous lequel tu t'es reposé comme homme, n'est aussi plus ce qu'il a été. Quelques années de plus verront périr cette retraite, qui servoit d'abri au voyageur fatigué, contre les l ardeurs brulantes du midi, et contre l'impétuosité des orages. Tu v~ dans une nouvelle ville, et au milieu d'une race d'hommes qui à été renouvellée. Ceux que m as connu dans ta jeunesse ne soac plus. Ta leur as vu. succéder de nouveaux visages, et ceux qui parcageoient avec toi les jeux de renfance sont devenus des hommes ainsi que toi. Les plus belles et les pl us norissahtes villes des tems anterieurs, sont abandonnées ou détruites, et le laboureur conduit aujourd'hui sa charrue dans les plaines sur lesquelles Troye étoit jadis élevée~ à peine en retrouve-t-on quelques foibles vestiges. La puissance des Assyriens, la gloire d'Alexandre sont passées. Tous les empires de l'antiquité se sont évanouis. Toute la surface de la terre se trouve changée, rien n'est plus à la même place. Cette lune qui du milieu de l'armée brillante des étoiles, répand sa pâle lumière sur nos contrées, ecce s~lei! resplendissant, qui vivifie la nature, se couchent régulièrement et se rélévent comme rajeunis ;.mais ils t:e retrouvent plus les mêmes objets, et ne me retrouveront pareillement plus un jour. Eux-mêmes ne

MparoMsent pas sur l'horison, sans avoir subi ~quelque changement; et il viendra, sans doute, t un tems qu'étant lancés hors de leurs orbites, leurs disques lumineux seront éteints, lorsque toute la nature matérielle aura été bouleversée et anéantie. Et toi misérable mortel! seras-tu donc le seul qui s'étonnera de sentir approcher son automne, et de voir ses feuilles flétries, emportées par les vencs? Seras-tu donc le seul que la vanité excitera à demander, d'être exclus de la destinée générale des êtres? La structure fragile de ton corps, F expérience journalière, qui te confirment les loix gé-. nérales et invariables de la nature, devroieni,~ défaut de raisons plus puissantes, te faire ressouvenir de ton essence mortelle. Mais cette habitude de vivre; cet amour propre, dailleurs si naturel à tout homme, joint aux précensions insensées et sans bornes qui en découlent; ces images illusoires d'une fantaisie déroutée, par-l'appareil de la more, nous mettent en contradiction avec nous mêmes, étouBenc cette voix si claire si intelligible de 1~ nature, entrainenc notre raison et empêchent notre vue de pénétrer dans un avenir bien plus désirable. Si les hommes avoient une connoissance bien assurée, de toute rétendue de la félicité qui les attend après <~tce vie; le monde se trouveroit bien* tôt dépourvu d'habirans, et bien loin d'employer la persuasion, pour les encourager à se soumettre à ime destinée qu'ils ne sauroienc éviter; il faudroit employer tout l'art, toute la force de l'éloquence,

poor modérer leur impadence et l'impétuosité de leurs désirs, et les empêcher de précipiter une mort qui leur paroit actuellement si redouable. 1 As tu donc oublié, ou ignorerois m, dmide mortel' quel est ie but de la création, pourquoi cette mon? as m oublié que cette vie n'est qu'mt avant-coureur, qu'une préparation, qu'un prélude de l'avenir? as tu oublié que, dans le cours de h vie de chaque homme, il se rencontre des situa" tions dont personne D'est exempt; qui se font sen" dr au sein même du bonheur, lors qu'on est envh-ônhé de gloire et. de grandeur; des situation~ dans les quelles tout se réunie, pour nous inspire!* dù dégoût et du mécontentement, dans les quelles qu'attend plus de bonheur; où les maux réels et itmagioaires §e succèdent coup sur coup; ou les ëcultës de notre âme ont perdu leur ressort, et se trouvent entièrement arrêtées dans leurs ~bncdons, où tous les objets, où tous nos amis nous aba~donnent où~ousnous trouvons isolés, ainsi qu'un focher au milieu d'une vaste mer, exposés aux tempêtes, aux adversités, aux mépris, et a la mor< tincadon; où nous ne semblons plus tenir au reste dû monde, que par les soucis et les chagrins les plas cruels et les plus amers; où le cri de notre oacure animale nous étourdit .i poiat d'étouSer~n* "tiéremenc celui de la raison, et de la philosophie? C'est (Lns de pareilles situations, dans de tels mo< mens, que ridée, qu'il existe un Dieu vengeur de rinnoceace opprimée, est un beaume dans la playe

eacofe saignante; c'est alors que Fon appelle son secours la more, attendue avec impadence. C'est alors qu'elle nous semble un sommeil, imc heure de repos pour le voyageur tangué par les' tourmens de la vie; unazileconcre les oppressions, l'espérance~esmalbeureux, la guérison dû malades un passage à une meilleure vie, une préparation des connoissances plus sublimes, un raprochement de raoteur de la nature, le tribut de l'humanicé, on pas nécessaire et conforme au but général, pour nous avancer sur la grande échelle de tous les êtres, la sortie d'une prison, une pone de la liberté, un recour dans la pacrie, le sceau de lavie, et le triomphe de la nature. Ce que la more ce paroit dans une telle situation, elle l'est en e6ec. Mais l'ivresse de ton bonheur te la fait envisager soua un faux point de vue, qui produit en ici cet oubli ce mépris des vrais biens qu'elle nous procure. La mon nous donne plus qu'elle ne nous oie, ô homme !tU as reçu en partage des dons bien précieux, mais, incapable de tenir un juste nulieu enire la crainte et l'espérance, et de te laisser conduire par la raison, seul guide infaillible, ta ea abuses honteusement. Tu as été créé uniquemenc ~our la sagesse ér pour le bonheur, et. coûte ta vie n'esc qu'un tissu de folies, d'erreurs~ et de tourmens factices. Apprens donc, et rapelle roï souvent, que mourir, n'es: que remplir lé~but pour lequel nous sommes nés; que mourir n'est que cheminer dans la grande rouie, .sur laquelle, tb-

puis <pfi!;exisM des éires, on en rencontre- une foule innombrable, s'empressant tous d'arriver au terme qui leur a été fixé, sans distinction ni de rang ni de qualité, sans montrer ni vanité ni me* pris, le grand à côte du pedt, le riche à côte do pauvre, et l'oppresseur à côté de l'opprimé .Mourtir nést qu'échanger une nature abjecte contre une nature plus relevée, se dépouiller de l'enveloppe terrestre, se regénérer, recommencer une nouvelle gamète, plus brillante. Mourir nést qu* abandonner la société des fols voluptueux, des calomniateurs, des juges iniques, des hommes glorieux, ambitieux et intéressés, pour s'unir par des liens indissolubles, aux nobles, aux esprits supérieurs, aux plus dignes de notre espèce C'esc la more qui nous délivre des peines et des souSrances de la vie; elle nous a été accordée comme le plus grand des bienfaits, pour en adoucir Ie< amertumes, elle rend la santé au malade, la force au languissant C'est elle qui délivre le prisonnier de ses chaînes.. qui rétablit l'équilibre, et fait disparoitre toutes les grandeurs, toute la différence des étais; elle nous rend tous enfans d'un même pére, sujets d'un même maître. Aucun mortel n'a encore pu lui échapper. C'est elle que les grands hommes de l'antiquité, ont vu arriver avec indifference; que tant d'hommes ont souhaittée, accélérée; que les plus foibles même, qu'hier encore ton esclave, ta servante ont envisagée avec un mépris dédaigneux. La caMre ecdére ne fournit aucune scène, qui en majesté

nmjesté et eir grandeur-, soit cômparabÏe morL L'en&mble de mon. être. s'agite, entre en fermen* tation et se consume. Toutes les forces de mon corps travaillent à" sa destruction et l'épuisenc. Tout a coup les liens qui me tenoient aoacbé cette vie se trouvent déchires–mon corps reste là, froid'ec insensible ei-je ne suis plus,–j'ai (Esparu. Je pars, j~ban~pnne tou! je puis me passer dè cpucce qui servoit à nourrir la haine, l'envie, et les persécudons du monde. L'on me cherche par coût, mais c'est inutilemént; l'on n'apprend à me conn<mre que depuis que je suis absent, et. mes actions me donnent une existence après ma more: L'on désire mon retour, mais c'est vainement–que cette scène est remplie de dignité! Mais, c'est sur tout, lorsque- Dieu descendra, au milieu de la tempête, ou qu'il commandera au venc du sud, de-rassembler ses exhalaisons empoisonnées et de les répandre sur toute la surface de la terre' C'est alors que chaque neur de la vie se trouvera nëirie, que l'orgueilleux sera humilié, que le fort se sentira affoibli, que le puissant sera abaissé, et que les couronnes seront ébmniées. Contemplés ce monarque qui dans l'insomnie donc il esc tourmenté, couve des projets qui doivent décider du sort des peuples. La mort se glisse à coté de son iit,. effleure un vaisseau imperceptible de sa cervelle, et–cous ses projets sont évanouis, et des nations entières se' voyent sauvées ou déTHtice& L& mort ne se J~isse point. attendrir par la

beauté, les richesses ne sauroient la tenter, ni puissance l'enrayer, elle est souide aux cris aux lamentations. Qui que m sois, ton tems est venu, et ion rôle est joué! --plus de miséricorde il faut partir <~e cette terre, pour être transplanté dans des régions où tous lès vivans ont été rassemblés depuis des milliers données; où jl n'y aura qu'un seul maure et ce maître est Dieu; dans des régions_ qui n'admettront point -de favoris, point d'exceptions aux loix immuables de la nature Dieu ~ii chacun de ceux qui vont naître, sa premiére entrée dans la vie.

~Reçoi l'existence, à la place de celui qui vientde quitter la scène y ec que tu es destinée rem,,p!ir! Ces parties qui composent ton enveloppe "terrestre, existoient déjà en même tems que les "parties de ceux qui t'ont précédé. Je les ai rapel,,lées pour les mettre leur place, Ces parties, cet"te enveloppe t'ont été données pour remplir ~le ,,rôle qu'exige de toi l'enchainement de ce. grand "tout, la dernière fin, et le bien être de toutes ,es créatures. Ne ressemble point au mauvais ~débiteur qui nié sa dette, lorsque le terme au,,quel il doit l'acquitter est échu. Tu. n'es qu'une partie de ce tout immense, dont tu dois suivre l'ordre et les loix établies. Ne me demande donc point l'impossible,' et que, contraire aux loix immuables que j'ai établies, je te préfère ceux qui t'ont précédé, ou qui doivent te suivre, et "qui valent mieux que toi. Modére tes précendoM

~qmne peuvencnine doivenc être sacis~ices. Si 3, eu te refuses à ces avis que je te donne, ne c'en "prens point à moi, de ce que ton séjour ici bas, ~ne c'esc pas rendu aussi agréable qu'il auroit pu Je devenir, si eu avois su mettre un frein a tes ~dësirs.Nec'assujeccispas si servilement ace:ce vie, ,,qui n'esc qu'un écac de prëparadon: Ne croîs p~s~que j'aie déjà épuise ici bas tous mes crésors. Ce ~seroic prétendre arrecer les loix de la nature, ce ~renoncer au bonheur a venir, que do vouîoir prolonger cecce vi&, que d'hésicer a abandonncf cec,,cë cerre~ cette ibnne,.cecce enveloppe. Ce seroic déceler la bassesse, la fbiblësse de ton espric, ,,ceUemehc amoureux du présenc, qu'il n~cceud ~plus rien au dé-là; ce seroic même vouloir me "disputer la possibilicë,de préparer a l'homme une ~,fdicicé plus parfaitte. Ne me reproche point d'ë3,cre un créancier'dur, inexorable; je n'éxige que ~Ia restitution de cette forme, qui ne t'a ëcë don"née que pour être asservie à con esprit,' pendanc ,,Ie cours de cette vie. Je ce laisse l'existence de y, céc espric; eu h conserveras tandis que les roy~aumes seront renversés, que les pâmes du monade perironc, que la terre même sera décruice. Je renverse ces royaumes, je décruis, je ravage, je ~change ces parties du monde; pour ne point ce laisser consumer d'ennui, pendant le tems que eu ~c'arrêcems ici-bas; pour exercer les faeu~s de ,,cpn espric, par des objets toujours renaissans,, ~par une variécé connnuelle; ec, lorsque eu ?

"seras. dépouille de cette enveloppe, pour te montrer ennn~ par ce bouleversemenr même, que je ne suis point un Dieu destructeur, mais ~Ie Dieu de l'ordre et de l'harmonie; que c~esc ,,€0 détruisant que je -produis, que j'édine, que ,,je reconstruis avec plus de magnificence pour ,,les êtres de ton espèce; que cette terre ne s'en~ir'cuvre.que cette mer ne s'agite, ne relève, ~et n'engloutie des provinces que pour ton avania,,gc, pour celui de tous les êtres, de ceux même qui ,,paroissent lêrplus en soumir. Toute naissance est "mort, coure mort est naissance. L'uné cesse oit l'autre commence. le ne puis rien détruire s~ns qu'une nouvelle production n'en soit un eSec immédiat. II ne te reste point d'opdon; il n'y a point de milieu ici. Il faut te résoudre, ou~, ,voir, à entendre, a sentir toujours lès même;! "choses; et par conséquent à languir dans l'ennui, ~le dégoût et l'insensibilicé; ou, si tu veux que je "nourrisse l'activité de ton esprit par de nouveaux "objets, de nouvelles idées, par des connoissances plus étendues; je ne .puis le faire qu'aux dépens de formes déjà exisientes. Voila ce que, tous les êtres de ton espèce exigent de moi. je ne saurois ,Iescortentertous;jene saurois même satisfaire tes ~propres désirs, s'il me faUoif garder des me,,nagemens avec chacun en particulier. II viendra ,,donc aussi un tems où je serai obligé de réduire “-ta forme, parce que je suis un Dieu impartial, "sans favoris, et que tous me sont également chers

et comme 'la boncé ec la perfection résident en ~moi, tous les changemens que j'opére ne sau~roienc tourner en mal et doivent avoir !e bien gênera! pour objet. La dureté apparente dont eu ~m'accuses est bonté et miséncorde; -et les dé), fauts que ni crois me crouver rendent cémoigna~e de ma haute sagesse. Je ne t'aurois pas fait ~passer par ces grades abjeccs.. je ne Maurois pas ~soumis a l'empire de la douleur et de la mort: 9, au moment de votre première existence, je vous ~.aurois tous créés pour jouir du plus hauc degré ~,de bonheur, si cette espèce de bonheur avoit ?,ece possible, sans vous rendre infiniment mal9, heureux et misérables. Je n'ai choisi que les moyens que me dictoic ma sagesse. Je vous ai 9,1-endus petits et foibles, afin que vous devinsiez 9, forts et puissans; je vous ai donné des imperfec9, dons; mais vous avez reçu des facultés et des forces analogues pour les surmonter; vous avez ~reçu des défauts, mais ils ont été accompagnés "de l'aversion qu'ils inspirent, pour réveiiler en "vous le pouvoir et les moyens de les combattre. "Ne vous mettez point en comparaison avec !e fantôme que votre imagination s'est elle-même ~créé; rendez vous conformes au but de l'uni,,vers, et vous trouverez qu'il ne vous manque "rien et que vous êtes précisément ce qu'il fal~loic que vous fussiez. Ce but exige que vous "vous acheminiez à la perfection, par une grada~don;, vous ne sauriez être, <ies le commence-

ment, ce que" vous ne pouvez devenir que paf la suite; parce qu'il ne m'est pas possible de "produire mon semblable, et qu'il est de la nature ,,d'un être borné, d'avoir ses périodes d'accroisse-' n~nr et de perfection parce qu'il est de sa nature qu~I lui manque toujours quelque chose, et ~ouc ses défaucs rnêmed'animenca se rendre plus ),p~r~m. Celui-ci est amené par la maladie à la ~tempcr~nce; celui là est conduit par le mépris -),a une iusce appréciadon de lui-même, et à lac~q'jisidon de plus grands mérites; un troisième 9, par la misère à la ~Hgence et a l'industrie; par 9, rimprudence ec des maux soutenus, à la sagesse ~a la patience, et à la résignation à mes volontés. ~,U y a des hommes à qui j'ai accordé la puissan),ce et l'abondance, et qui,~a cause de cela, sont ~considérés comme mes favoris, par des envieux 9) a qui j'ai refusé ces biens. D'autres ont été rapproches de moi par des afflictions. Tous les maux 9, que je vous envoyé sont des corrections,, des 9, avis pour être sur vos gardes,. pour rentrer en 9, vous-mêmes, pour développer vos. facultés, et9, vous rappeller à moi. Parmi ces maux même je ?,vous ai donné la .~ort, pour vous arracher avec "violence d'un séjour auquel j'ai prévu, qu'a dé3, faut de lumières dont vous n'édez pas encore ~.suscepcibles, vous seriez trop fortement attachés. Sois équitable, et quand même pour me couformer à tes voeux, je pourrojs ~tréun Dieu '?, partial? considére donc combien de changemess

"je serois obligé de faire à mon ouvrage qui n'admet aucune'prédilecdon.rénéchis que si j'enlève ~un seul grain de sabïe à cet univers,. le monde ,,c~c décmic ec qu'il faut en produire un autre! ~,Ne serois-je pas injuste en refusant à d'aucres lés mêmes choses que m demandes que je raccorde? Ou, pr~cendrois m que je nsse pour toi seul, ce que }e refuse à ceux qui valent incomparable~menc mieux que toi; moi, qui suis non seule,,menc ton père, mais aussi le père de tous? Te concencerois tu même de cette condescendance de ~ma part, er tés prétentions, ces désirs indiscrets, ~ne s'accroitroient ils pas à mesure qu'ils seroienc ~sadsfaics? L'on te verroit encore à la nn~ pousser ,,la folie au point de murmurer contre moi, de ce ,,que te ne t'ai pas rendu le maîcre de ~et univers y ,et soumis toutes lès autres créatures à ta voloncé; ,,de façon quelle -despotisme universel seroit le terme de tes désirs. Mais qu'aurois tu gagné par- ~la~Crois-cu donc que tous ces esclaves que tu voudrois voir ramper à tes pieds ne s'enbrceroiene pas de secouer le joug que tu leur imposerois ~ou,n'essaieroientau moins de recenir ce despote ~immorcel dans l'inaction? Ou.~voudmis tu qu'ils ~fussenc sans ame, sans sentiment, attentifs seu,,Iemenc à c'obéïr au premier signal? Pauvre insense Ne vois tu pas que de dégoûc t'inspireroient, à ~.lann, cette soumission ~méchanique, ces auto"mates d'une nature si différente de la tienne; ~combien m sendrois tes facultés rscuvieé de

~ton esprit rétrécis, par cet abandon total de to&te opposition? Un sommeil léthargique sembla),ble à la mort, seroit donc l'objet de tous te~dé~sirs' Ce seroit être ton ennemi, te punir, t'ac-~ ~'câbler, te.rendre misérable; que de t'accorder !e 9, bonheur illusoire, après lequel ru soupires. Mais ),ce seroit tpi-meme, et non pas moi, quile don~.nerois la mort, en demandant à vivre étemelle"ment ici bas.

Abandonné ainsi à toi-même, rempli de désirs 3, aussi insensés, aussi contradictoires, te précipi"tant dans le malheur, bien loin de travailler à ton o,bohhear, comment aurois je pu. préccr l'oreille à "tes vœux, à tes prétendons, dans le plan que j'ai formé pour l'arrangement de ce monde; moi, "qui voulois te rendre heureux et non pas mis~,ble, qui voulois ta vie, et non pas ta mort? Tu -.n'as point été oublié dans les dispositions pleines de sagesse, que. j'ai ~ces pour cet univers. J'ai ), suivi ma volonté, sans égard à la tienne, et je '?,suis assuré d'avance, que tu me sauras gré un "jour, de t'avoir rendu abject, foible, borné, 9, inconstant et mortel. C'est pour cet effet que je ~,t'ai laissé former ces voeux insensés, que j'ai soufre que tu méconnusses tes intérêts; que "j'ai permis que tu murmurasses contre mes decrées; afin qu'éclairé par la raison tu reconnois~ses un jour, que j'ai veillé là bas, pour toi, avec ~,Ies soins-les plus paternels, que je t'ai aimé avec la plus vive tendresse, lors' même que je t'ai

~pnru agir, envers toi, avec.durecé, et injustice; ~,que tu reconnoisses que tes précehdues adversités "ont contribué à conrplus grand bonheur; qu'el"les étoient la seule voye possible pour te. con"duire à la felicicc, dont tu auras un jour à te ré-),jou~r; que j'ai été économe de mes bienfaits,, "que je ne les ai pas dispenses à la fois afin que ,tu t'en rendes plus susceptible, que tu les éprou,veseeplus souvent et plus lon~cems, et ennti ,,pour que tu reconnoisses que la sagesse de l'homme n'est point celle de Dieu.

Cesse donc de te counnenccr par des vœux aussi. insensés qu'indiscrets. Soumets toi aux loix et à I~ordre de ce tout dont tu fais partie; cesse de me sollicicer à ce haïr ec à aimer les aucres plus que toi. Je ne ,,craice personne, pas même un insecte aussi mal que m voudrois que j~en agisse avec coi. Je t'aime plus que tu ne t'aimes toi même. La force que j'ai ,~de me refuser a ces supplications doit ce convaincroque je suis ton père, le pcre de tous les "êtres. J'ai ordonné à la more d'aller ià bas, dans "cette partie du monde, moissonner à la fleur de son âge l'unique heritier d'un grand royaume m ,,sa puissance, ni sa pompe n'ont pu m'éblouîr~ ~Tous les trésors de ce royaume m'onc été offerts ,,en rançon; on a voulu me gagner comme un "juge inique. Des milliers d'hommes se sont jelcés genoux, et se sont rappelles que je suisli? maï* ,re qui donne et qui ôce la vie. La vie de plu~sieurs milliers d'ames étoit attachée à cd~ d'~

_.1

,-seul. La guerre et la desmicdoa d'une~ partie d~ monde étoienc les suites inévitables de cet évè,,nement;mais–je ne me suis point laissé fléchir. "L'enchainement de .ce tout immense exigeoit grand cri, d'u* manière irrésisdble que ceae "fleur fut nëme~ec eHe est rombëe. Voilà.ma vo~loncé; elle est invariable, éternelle. La précipi* "tation ne peut avoir lieu chez moi. Les'ces ~!es ,,Jarmes, les lamentations ne sauroient m'émou"voir, et m'engager à faire une exception arbitmî~re auxloix immuables de h nature, ni à changer ,,Ia marche du monde, pour l'amour d'un seul individu, car je ne serois plus un Dieu tout puissant, si je devois recevoir des directions de "ma propre cré-imre, et soumettre mon ouvrage a sa censure. Ainsi ma volonté doit être obeie,. "parce qu'elle est la volonté universelle! ainsi; "meurs, puisque tu es né! Telle est la teneur du contrat: de la vie; telle est la perspective qui s'ouvre devant nous. Que ce concraccest consolant, que cette perspective est riante Par-là, le monde devient un ensemble parfait, rhomme acquiert de la dignité, chaque chose a sa destination qui lui est propre, le mal même tend au but général, et Dieu apparoit comme Fôtre suprême et comme l'auteur de la nature. Je n'ignore plus pourquoi je suis placé ici, pourquoi je dois y souffrir,. puis que toute chose est à sa place et tend au but. Pourquoi seroit-il au dessous de la dignité, de Dieu de se proposer un but ? Ce

D~texisœ, il fond~ nos espérances; Ia terre enné-

~uc exista il fonde nos espérances; h terre enné-

re,soh ensemble, ses révolutions en. font foi; il est le. moteur universel, 'qui détermine lés actions ite tous les êtres pensants, qui est !a source de tous leurs plaisirs, et le terme de leur félicite. Sans but, cet univers ne seroit plus un ensemble; par iunouc est ce qu'il doit être.

Lors qu'ennn l'heure sera arrivée où il faudra qu'a mon tour aussi~je subisse la dissolution, et que la mort se sera jettée sur moi, comme sur une proye assurée, lorsque le médecin aura haussé les épaules, que les yeux de mes amis seront remplis de larmes, qu'ils s'efforceront de me cacher; lorsque, jettant sur moi un coup d'œil de compassion et de douleur, ils calculeront les momens que ce corps pâle, immobile, froid, et insensible, réssemblant à une demeure déserte qui vient de ,perdre. son locataire, donnera encore quelques Ïbibles signes de vie, avant que de se voir abandonné par l'esprit qui travaille à se dépouiller de son* enveloppe; alors ô seigneur' ne permets point que j'oublie ces principes; ne permets point que je me montre en lâche, que je démence ma doctrine, et que je m'écarte de la conduite que j'ai tenue; c'est alors que je désirerois que m commandasses à la douleur de' m'épargner pendant quelques momens, afin que je puisse encore rassembler autour de moi mes enfans, leur rappeller ma vie, comme un exemple à suivre, un héritage recueillir; afin de les exhorter à la venu, et de

leur- dire que quoique je pane d'ici, tu. ne les &bandonneras pas ô seigneur permets que je m'acquitte des devoirs de la reconnoissance vis-a-vis. de Ja compagne ndèle de mes jours, que je lui inspire du courage, que je cassure.que je ne serai point à jamais perdu pour elle. Fai que h douleur et la tristesse des assiscans ne me gagnent point,; que la sérénité de mon esprit se repande sur eux; qu'ils apprennent que ce calme et cette sérénité de l'esprit au lit de la mort., sont uniquement le fruit d'une vie consacrée à la vernr, iqu'Hs appiennent, qu'au moins-dans ce moment critique, sur le point de franchir les limites de la vie, la vertu ne nous abandonne point, quoique ceux qui lui ont été les plus attachés, ont eu les plus rudes combats essuyer, contre les adversités pendant le cours de leur vie. Et comme les instructions au lit dè la mon, soutenues .par l'exemple, font une impression ineSaçabIe sur l'âme des assistans; permets, que pour l'amour de la venu, je puisse employer ce peu <le momens qui me resteront encore, à persuader par mes leçons, combien la vertu a de puissance et d'attraits; à inspirer. l'horreur du vice, à montrer la fragilité des biens d'ici bas, et à nourrirl'espérance de la perspective que je touche, au moment t de la voir s'ouvrir à mes regards. Et pour lors, quand j'aurai rempli cétte dernière fonction avec dignité ec oncdon, fai que je détourne mes regards de cette terre, que je les jette sur toi, ô, Dieu! auquel je vais bientôt m'unir, et que je rassemble

lès fbrceyqo! me ïesteroni, pour m'écner avec a~ deurecconnance.

~Seigneur! Le tems de mon pèlerinage sor ;,cette terre, esc expiré; c'est maintenant a toi à: ..m'appeller en jugement, pour prononcer si j*ai "bien ou mal employé ce iems, si j'ai mérité gra"ce ou çondamnadon. J'ai cherché avec empresse,,ment la vérité, parce qu'elle ne sauroit te déplai,,re, a toi qui est la source de la vérité. C'est-d'a,,pres mes principes et ma conviction que j'ai tou~jours taché d'agir, prêc à reconnoitre la véricé, ~dès que je me suis reconnu dans rérreur: j'ai ~faic pour cet effet tout ce qu'il a dépendu de ,,moi. Si je me suis égaré, c'est involontairement. .yLes hommes avec lesquels j'ai vécu, sans avoir ~été meilleurs et plus éclairés que moi, ont voulu: ~s'emparer de mon esprit, et m'obliger à rece"voir comme vérité des opinions, et ils ont passé ~condamnation sur moi, d'après leur convicdon seulement, et non pas la mienne. Mais, je sais "seigneur! que les jugemens des hommes ne sont ..pas les dens, et que c'est à mes acdons, et non "à mes opinions que tu auras égard. Si je n'ai pas ..exactement observé tes préceptes, considère que ..rignorance,, l'emportemenr de la jeunesse se son~ "emparés de moi et m'ont égaré, jusqu'à ce. que~ ..dans un âge plus mur instruit par l'experience M et des chutes référées, j'ai reconnu, seigneur! "que tu ne commandes ni ne deRnds rien à l'hom~me~ que ce qu'il se -seroit connnande ou défend~

~ïm-meme, si la saine ec sage raison avoicjMO,;jours ~té le seul guide de sa conduite. Mais aussi, ~lorsque j'ai été éclairé par Page' et l'expérience ai-je abusé des facultés qui m'ont été accordées ? ai-je refusé de soumettre mes sens, mes désirs ~,ec mes opinions à ta volonté? ai-je jamais mur",,mûré contre les décrets de- la- providence, lorsque j'ai gémi sous le poids des adversités les plus cruelles. J'ai été malade et j'ai langui dans ~indigence; et -je me suis réjoui d'avoir souffert la maladie et la pauvrecé/car tu l'as voulu ainsr. Je suis tombé dans le mépris et dans la misère, ec je m'y suis soumis, parce que celle a'été ta vo* clouté. J'ai été exposé aux injustices les plus enfantes, mais j'ai mis ma confiance .en toi, convaincu que ce n'étoit pas sans raison que ces ,,aSicdons m'ont écé ~envoyées. J'a~ su qu'il ne pouvoit m'arriver de bien ou dé mal ici bas, qui "ne rue une conséquence nécessaire de Fenchainement de cet univers, et j'ai été persuadé que cet enchaînement n'exigeoit pas que mon malheur fuc prolongé dans l'éternité. i\Ï'as tu jamais vu, seigneur! mécontent de mon écat, découragée ~et manquant de confiance en toi ? J'ai toujours ~,été disposé à me soumettre avec résignation cous les maux que tu as jugé a propos de me dispenser, et je le suis encore dans ce mo~menc. J'ai respecté ta volonté, lorsque m me ,,l'as _faite conooîa~ comme une loi sacrée eeHm~ohble. Tu veux mamcenant que, fadgué ou non

~dë cène vie, je quitte cette scène, -et je sais prêt "à l'abandonner, en te rendant grâce de ce que ta bonté m'a jugé digne d'y remplir un rôle, d'en partager la magnificence et de voir, en raison de mes foibles lumiéres, se développer mes ,,yeux étonnés l'ordre et la sagesse infinie, avec ..lesquels tu- gouvernes cet ensemble. Et mainte,,nanc,'que cette terre s'entr'ouvre pour recevoir "dans. son sein cette enveloppe dont je vais me ~dépouiHer, ann de m'unir plus étroitement avec toi, ecre de cous les êtres!

F N.
 

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